112 Ans après le 9 Décembre 1905 L’école laïque doit accueillir tous les enfants
L’école n’est pas un lieu comme un autre. Elle accueille des enfants, dont elle fait des élèves. Elle les accueille tous, sans distinction d’origine, de religion ou de conviction spirituelle. Elle prépare à la citoyenneté, sans épouser l’illusion d’une citoyenneté spontanée, qui préexisterait au processus de sa formation. C’est dire que la laïcité , comme dit la lettre de mission du Président de la république, n’est pas seulement un droit : elle est aussi une exigence. Les enfants-élèves n’appartiennent plus tout à fait à leur famille ; mais ils ne s’appartiennent pas encore tout à fait à eux-mêmes, en fait, même si en droit ils sont là pour apprendre à se passer de maître. D’où la tâche délicate de l’école laïque, qui en un sens est une institution organique de la République, et ne saurait être réduite à un simple prestataire de service, tributaire de la demande sociale du jour. La logique de l’école est celle d’une offre de culture, et d’une offre qui doit toujours déborder la demande, afin de s’affranchir de ses limites. D’où la nécessité d’une ouverture grand angle du champ de la connaissance, incluant les religions, les mythologies, les humanismes rationalistes, tout ce que jadis on appelait fort bien les Humanités.
L’école laïque accueille tous les enfants : il n’y a pas d’étranger dans l’école de la République. Elle doit de ce fait respecter une déontologie laïque, et faire valoir une exigence de retenue propre à assurer la coexistence de tous et surtout à permettre l’accomplissement serein de l’instruction. Et ce dans l’intérêt de tous. Il n’y a donc place en elle ni pour le prosélytisme religieux, ni pour la propagande athée. Un professeur pourra évoquer la Bible ou le Coran en classe, ou encore étudier un texte de Voltaire ou de Feuerbach, mais en se souvenant toujours que ses élèves proviennent des trois grandes options spirituelles évoquées. D’où une exigence stricte de ne blesser personne en valorisant ou en disqualifiant une croyance, tout en cherchant à faire connaître ce qu’elle est. Pour cela, faire la part de ce qui relève du régime de la croyance et de ce qui relève de celui du savoir est essentiel. La laïcité scolaire ne requiert nullement la critique des croyances, mais la lucidité qui fait qu’un élève doit faire en lui la distinction entre croire et savoir. Exigence régulatrice là encore, mais décisive pour éviter les fanatismes et l’intolérance.
À la déontologie du maître doit correspondre une culture de l’exigence chez l’élève. En ce sens la dissymétrie créée par l’encouragement prodigué aux élèves pour qu’ils affirment d’emblée ce qu’ils sont ou croient être est néfaste. Sous l’apparence de la spontanéité ainsi prisée peuvent se dissimuler des sujétions très réelles, que l’on entérine en laissant croire que l’opinion première a une valeur suffisante
En revanche, une culture de l’exigence, voire de l’effort et de la distance à soi a au moins le mérite de donner sa chance à l’émancipation personnelle. Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas ainsi de disqualifier les cultures ou les traditions d’origine, ni de reproduire une posture néo-colonialiste ou stigmatisant. Il s’agit simplement de promouvoir un rapport éclairé, distancié, aux facteurs de construction de l’identité, et de les inscrire dans un horizon de culture universelle vers lequel se porte le travail de la pensée quand il s’affranchit des représentations immédiates.
Ces remarques conduisent à considérer l’enjeu propre de la laïcité scolaire comme projet d’émancipation. Là encore, on ne peut se satisfaire d’une conception qui privilégierait unilatéralement le droit de manifestation des opinions ou des croyances, sans poser la question de la construction du sujet autonome, de l’égalité
des sexes, de l’indépendance de l’école par rapport aux divers groupes de pression. C’est ce souci qui doit régler la réflexion sur le dispositif juridique propre à mieux faire appliquer la laïcité dans le contexte actuel. Le rappel effectué par le discours préliminaire du président de la République donne à cet égard les orientations essentielles : respecter la diversité sans lui aliéner l’espace civique et l’ensemble des services publics ou des institutions qui font vivre la République ; mettre en rapport la laïcité comme exigence et la laïcité comme droit ; rendre lisible le projet d’émancipation qui découle de la laïcité, notamment en ce qui concerne l’égalité des sexes mais aussi les valeurs du triptyque républicain.
Catégorie: Activités du CDPE