Déclaration liminaire de la FCPE sur les rythmes au Conseil supérieur de l’éducation du 5 mai 2014
Déclaration de Paul Raoult, président de la FCPE, au Conseil supérieur de l’éducation du 5 mai 2014
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs les membres du CSE,Avant d’entrer dans le vif du sujet sur les rythmes scolaires, je voudrais rendre un hommage à Monsieur Jean-Paul DELAHAYE, dont nous avons tous appris la démission.
Sans vouloir épiloguer ce départ, je voudrais simplement saluer la qualité de son travail basé sur l’écoute et le dialogue, lui exprimer ici nos sincères remerciements et lui souhaiter une bonne continuation dans ses projets pour l’avenir.
La FCPE s’intéresse aux rythmes scolaires et aux temps de l’enfant depuis bien longtemps. En 2008, lorsque le Ministre Xavier Darcos vola 3 heures de classe par semaine à tous les élèves du primaire et imposa la semaine de 4 jours, nous sommes montés au front avec de nombreuses autres organisations présentes ici pour dénoncer l’absurdité de ces aménagements qui ne pouvaient que mettre davantage en échec ceux qui étaient déjà en difficulté.
Cette semaine de 4 jours à 6h et les cassures de rythmes perturbent les apprentissages, nous le savons tous ici.
Tous les experts de ces questions le disent : au-delà de 5 heures par jour, un élève de primaire n’a plus les mêmes capacités d’apprentissage et de mémorisation. Ces analyses sont confortées par les enquêtes nationales ou internationales qui montrent le décrochage des élèves français dans pratiquement tous les domaines.
C’est donc en s’appuyant sur la communauté scientifique, que nous dénonçons les trop longs week-ends qui rendent les lundis difficiles, les trop longues vacances d’été qui rendent les rentrées ardues en septembre, les trop longues journées de classe où les élèves ne mémorisent plus grand-chose… Et je ne parle même pas des devoirs à la maison qui s’en suivent trop souvent !
A partir de ces constats, la FCPE a fait des propositions pour limiter à 5 heures les heures de classe en primaire, 6 heures au collège et 7 heures au lycée. Nous avons aussi à plusieurs reprises proposé une réforme du calendrier annuel pour réduire les vacances d’été et se rapprocher le plus possible de l’alternance idéale : 7 semaines de cours / 2 semaines de vacances.
Sur tous ces éléments, nous n’avons pas changé d’avis, nous continuons de nous battre pour atteindre ces objectifs. J’ajouterai que jusqu’ici nous pensions que le gouvernement les partageait aussi, puisque les réformes engagées, bien qu’incomplètes et parfois partielles, nous permettaient d’avancer. C’est ainsi que les vacances d’automne durent désormais deux semaines, ou encore que le décret « Peillon » de janvier 2013 limitait la journée de classe à 5 h30.
Vous remarquerez que j’insiste bien, comme nous l’avons toujours fait à la FCPE, sur ce temps scolaire. L’essentiel de la réforme des rythmes a toujours été pour nous ces 24 heures d’école mieux réparties tout au long de la semaine. C’est essentiellement cela qui nous intéresse ainsi que la façon dont les enseignants s’y prennent ensuite pour adapter leur pédagogie à cette nouvelle organisation.
Les temps d’activité périscolaire, ne sont qu’une conséquence de ces nouveaux rythmes. C’est un plus pour les élèves, mais ce n’est pas et cela n’a jamais été l’objectif de cette réforme ! Il n’est pas acceptable que l’essentiel des discours se focalise autour de ces 3 heures de T.A.P.
Cette réforme n’a jamais accru les inégalités comme on l’a trop souvent entendu, bien au contraire ! Avant cette réforme, les écarts d’investissement des communes dans le périscolaire allaient de 1 à 10 et cela ne choquait pas grand monde… L’Etat par le fond d’amorçage qu’il a créé a financé une grande partie de ces nouveaux engagements municipaux. C’est pour cette raison que cette réforme contribue à réduire les inégalités. C’est pour cela que les financements de l’État doivent être pérennisés, j’y reviendrai plus tard en proposant un vœu à cette assemblée.
La réforme dite « Peillon » était donc bonne mais imparfaite, nous l’avions dit à l’époque et nous nous étions abstenus lors de ce CSE, principalement parce qu’on en restait à un maximum de 5 H 30 par jour et non 5h, parce que la gratuité de ces nouvelles activités n’étaient pas garantie pour les familles et que la prise en compte des pics de vigilance des enfants était laissée à l’appréciation des collectivités. Néanmoins, elle permettait déjà un raccourcissement des heures de classe pour les élèves et leur offrait a minima une matinée supplémentaire chaque semaine pour apprendre mieux.
Notre abstention de janvier 2013 n’était pas en contradiction avec notre volonté de tordre le cou une bonne fois pour toute à la semaine de 4 jours, nous avons soutenu et continuerons de soutenir sur le terrain cette réforme avec l’espoir et la volonté d’aller plus loin et de continuer à construire l’école du XXIème siècle.
Nous sommes des réformistes, nous sommes des progressistes, nous avons pour idéal de transformer en profondeur le système éducatif, mais nous sommes en prise avec le réel et lorsqu’une opportunité se présente pour faire avancer une réforme même à petits pas, nous savons la saisir.
La FCPE n’oublie pas que le président de la République a été élu en faisant de l’éducation et de la jeunesse une priorité nationale. Sur les rythmes scolaires, il y a eu le temps de la concertation, le temps de la construction suivi du décret en janvier 2013. Depuis, ce temps, la première fédération de parents d’élèves de l’école publique que je représente, n’a eu de cesse de défendre ce décret qui allait dans le bon sens dans l’intérêt des enfants. Chaque militant a pris ses responsabilités pour expliquer tant au niveau national que sur le terrain qu’il ne fallait pas reculer sur une réforme qui est bonne pour les élèves ! Aujourd’hui, à la lecture de ce nouveau projet d’assouplissement, les militants FCPE se sentent trahis et je me dois d’exprimer devant vous aujourd’hui leur colère.
Alors que le précédent décret était fait dans l’intérêt des élèves, vous nous proposez aujourd’hui de l’assouplir pour obtenir la paix sociale avec une infime minorité de maires. Pas tous les maires d’ailleurs ! Les mauvais maires ! Je dirais même les mauvais élèves de la République ! Ceux qui font du chantage, ceux qui font pression sur le gouvernement depuis des mois pour ne pas appliquer nos lois et nos règles communes… Ceux qui croient qu’ils vivent dans une République autonome dans laquelle ils ne font que ce qu’ils veulent… Ceux qui pensent ne pas vivre dans un Etat de droit…
Le Ministère annonce que 93% des communes sont prêtes à appliquer la réforme sans que cela ne pose de problèmes majeurs d’organisation. Pour ces 93 % de communes, les emplois du temps sont déjà prêts pour la rentrée prochaine. Pour les quelque 2%, de bonne foi qui rencontrent vraiment des difficultés, vous auriez pu choisir de faire paraître une simple circulaire ou une note de service incitant les Recteurs à les aider à trouver des solutions. Le cadre réglementaire instauré par le décret de janvier 2013 permettait déjà d’instaurer de nombreux emplois du temps très différents les uns des autres.
Finalement, pour satisfaire les 5 % d’opposants, vous nous faites des propositions d’assouplissement en prenant le risque de donner raison à vos détracteurs. Le gouvernement de combat refuse-il déjà de se battre ?
Vous nous présentez ce décret comme un texte permettant des expérimentations, mais encore faudrait-il qu’elles aillent dans le bon sens, celui des élèves, du respect de leurs rythmes d’apprentissage. Il faudrait par exemple au besoin pouvoir refondre totalement le calendrier annuel, respecter autant que possible les deux pics de vigilance de la journée ou encore imposer des projets éducatifs de territoire pour que cette réforme prenne en compte tous les temps de l’enfant.
Or, ce n’est pas vers cela que l’on tend, bien au contraire. Vous n’expérimentez pas, vous concédez !
Alors que Xavier Darcos avait généralisé les 6h sur 4 jours, vous prenez le risque de généraliser les 6h sur 3 jours plus 2 demi-journées de classe et une après-midi d’activités périscolaires qui seront peut-être payantes et inaccessibles aux familles les plus en difficultés. Des milliers d’enfants se retrouveraient alors livrés à eux-mêmes durant deux demi-journées par semaine.
Et vous ne concédez pas uniquement aux quelques communes qui ne sont pas encore prêtes car nul doute que dès la rentrée suivante, en 2015, d’autres seront tentées de se saisir de cette opportunité pour reculer, elles aussi, en oubliant l’intérêt supérieur des enfants. Le risque est grand dans les communes de ne pas chercher la meilleure répartition du temps de classe pour les élèves, mais de pencher du coté de la simplicité qui consisterait à faire tout le temps de classe d’un côté, et de l’autre en une après-midi tout le temps périscolaire.
Les propositions et les exigences que nous formulons reposent sur des études scientifiques et sur les conclusions de la conférence nationale sur les rythmes scolaires. En revanche, pouvez-vous me citer une seule étude, qui préconise cette organisation sur 8 demi-journées pour faire mieux apprendre les élèves !
A la FCPE, nous ne reculerons pas !
Nous disons non au retour des 6 heures par jour ! Nous disons non aux grignotages des petites vacances qui sont si importantes pour le repos des élèves !
Nous disons non aux expérimentations sans un projet éducatif global pour l’enfant car sans cela, ce ne seront que les communes qui ne s’intéressent pas à l’éducation, celles qui se fichent des temps de l’enfant, qui obtiendront une dérogation !
Nous disons non aux propositions qui ne seraient pas l’objet d’un consensus démocratiquement exprimé.
Nous disons non, aux expérimentations qui ne prennent pas en compte l’intérêt des élèves. Le seul objectif qui vaille ici est la réussite de tous les enfants.
Nous disons non aux expérimentations qui ne s’accompagneraient pas d’évaluation.
Je n’entrerais pas plus dans les détails sur ce texte puisque nous allons en discuter lors de la présentation de nos amendements… Je conclurais simplement en vous disant qu’il est encore temps de sauver ce qui peut encore l’être, pour les élèves d’abord.
La FCPE réclame une réforme des rythmes depuis 2008. Le décret de janvier 2013 allait dans le bon sens, nous souhaitons aller plus loin. Le décret proposé aujourd’hui remet en cause les fondamentaux qui nous animent concernant les rythmes scolaires. En l’état actuel, nous voterons contre ce texte, mais continuons à défendre la réforme des rythmes.
Je vous remercie.
Voeu voté par la FCPE lors du CSE pour demander la pérrenisation du financement de l’Etat.
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